« Mémoire des matières »
Temps 1 : Temps corrosif D’abord, c’est une façade à l’aspect industriel offerte aux vents et aux intempéries… Ce sont des lames d’acier Corten comme un rideau de matière qui laisse des ouvertures sur le paysage urbain alentour. Ce matériau agile et noble, ici exposé en rythme, se montre déjà corrodé et se forge une seconde peau oxydée, une peau de rouille telle une protection du temps. Il rend visible selon l’expression et l’œuvre monumentale de Richard Serra, pensée pour le musée Guggenheim de Bilbao, la « matière du temps ». La couleur rouille sur l’acier froid crée un revêtement sensible et chaud, et démontre, en suggérant les ruines urbaines, la puissance du temps corrosif.
Temps 2 : Temps gravé Mon projet « Mémoire des matières » est de proposer une installation in situ sur des lames d’acier en gravant des signes, des pictogrammes pris sur les codes de la route, langage international, espéranto du voyage. L’idée première est de marquer à l’aide de plusieurs sceaux l’identité de ce lieu. Ces signes gravés altèrent la matière et s’inscrivent en creux dans l’acier, comme pour créer des signes de mémoire dans le matériau même. Le temps oxyde. Ces pictogrammes agissent comme un langage archéologique, des traces telles une seconde peau signifiante. L’acier est volontairement oxydé mettant en scène le passage du temps avant même son exploitation. Les gravures opèrent de même en proposant un revêtement de signes faisant écho à l’identité de l’école mais vécues et vues comme des archives du temps, des pictographes d’un jadis.
« Neuropathia »
Je lance un dispositif d’explorations qui enregistre différents flux liés aux déambulations urbaines en organisant les parcours de trois femmes dans un quartier populaire de Paris. Ce quartier délimite un espace triangulaire qui renvoie à la forme synthétique des chaussures à talons tel un écho à la marche, à l’exploration, à la flânerie. Chaque parcours associé à une couleur (rouge, vert, bleu) capte un flux sensoriel (rythme, température, accélération), et des phénomènes de la ville qui vont être retravaillés pour devenir des impressions artistiques à travers l’art vidéo, les graphiques numériques et le son.
Je travaille depuis longtemps dans la plupart de mes installations sur la relation du corps et de la ville, des flux corporels et des textures urbaines. Pour moi, le corps est une architecture en mouvement, un espace de captation des contextes. Et je tente de restituer ses multiples entrées sensorielles dans chacune de mes œuvres.
Le dispositif que j’ai mis en place pour Urban Explorations est un test presque scientifique à partir de capteurs électroniques cachés dans des talons de chaussures féminines. Les données obtenues par cet outil vont permettre la formation de graphique , de capter le flux des déplacements dans les villes, le système nerveux des artères urbaines. Derrière l’outil, il y a l’enregistrement de données scientifiques liées à la marche mais également une tentative de fixer la poésie de la marche urbaine, de l’exploration hasardeuse des villes.